Depuis quelques années, je lis régulièrement des bandes dessinées sur des témoignages de vie dans des pays du Moyen-Orient. J’ai développé un fort attrait pour l’histoire des pays de cette région, toujours bien plus complexe que ce qu’on peut imaginer. Autant dire qu’en France, à l’école, on ne nous apprend que peu de choses à leur sujet ! A travers les ouvrages que j’ai pu lire, j’ai découvert la vie quotidienne de personnes ayant vécu en Israël, Palestine, Irak, Iran et Syrie, à des époques différentes (mais qui se recoupent parfois), bien loin des images simplifiées que nous donnent à voir les médias. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de partager ces découvertes culturelles, pas forcément représentatives des pays et de leurs cultures (éloignons nous des généralités !) car cela reste des témoignages mais qui donnent tout de même un aperçu de ce qu’il se passe et ou ce qu’il a pu s’y passer à un moment donné.
Israël/Palestine
Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle
Chroniques de Jérusalem est une BD écrite et dessinée par Guy Delisle, auteur canadien qui témoigne de sa vie d’expatrié vivant à l’est de Jérusalem autour de l’année 2010. Suivant sa femme médecin travaillant pour l’ONG Médecins Sans Frontières, Guy Delisle, avec un certain humour, expose des anecdotes de la vie quotidienne, ses rencontres, tout cela avec un certain recul. Il n’est pas dans le jugement et donne parfois son avis sur les situations qu’il rencontre mais sans pour autant l’imposer. Son ouvrage est assez informatif et j’ai beaucoup apprécié le ton de l’auteur et sa façon de raconter sa vie sur place : avec un quotidien assez banal (celui d’une « femme au foyer » comme il le dit, n’ayant pas le temps de travailler sur ses projets professionnels) comme des situations plus « originales » et tragi-comiques (par exemple un vendeur de pains en plein milieu d’un affrontement à un « check-point » c’est-à-dire un lieu de contrôle militaire lorsqu’on veut traverser le mur séparant Israël de la Palestine/Cisjordanie). Cet ouvrage est très instructif et assez léger à lire malgré des événements pas toujours très joyeux.
Irak
Coquelicots d’Irak de Lewis Trondheim et Brigitte Findalki
C’est en écoutant les auteurs de Coquelicots d’Irak, Lewis Trondheim et Brigitte Findalky, parler de leur livre lors d’une conférence que j’ai eu très envie de lire celui-ci. Tout d’abord, j’aime beaucoup Lewis Trondheim qui a réalisé un nombre vertigineux de bandes dessinées (Lapinot, Donjon, Les petits riens…) et ai découvert Brigitte Findalky (coloriste de BD) à travers quelques autres ouvrages.
Coquelicots d’Irak, c’est une bande dessinée assez touchante qui regroupe des anecdotes familiales et politiques survenues lors de l’enfance de Brigitte Findalky en Irak, pays dans laquelle elle a grandi jusqu’en 1973, puis lors de son arrivée en France alors qu’elle est adolescente. Le livre est entrecoupé à certains moments de photos de famille mais aussi de moments de vie ayant eu lieu durant la réalisation de la BD. On y apprend également comment Brigitte Findalky en est arrivé à la BD et à son métier de coloriste alors qu’elle faisait des études ensemble sciences économiques.
Si vous connaissez un peu le travail de Trondheim, vous serez peut-être un peu surpris par son dessin qui est un peu différent dans cet ouvrage. Tout d’abord, il dessine enfin des personnes humaines avec des visages humains (et non des animaux anthropomorphes). J’ai trouvé que son dessin était plus « soigné », très « propre » par rapport à ses autres BD. Peut-être parce qu’il s’agissait de raconter l’histoire de Brigitte Findalky ? Les couleurs sont très agréables et c’est même le plus coloré des livres proposés dans cet article. Cet ouvrage est très touchant et je vous le recommande chaudement !
Iran
Persepolis de Marjane Satrapi
Persepolis est sans doute l’un des ouvrages le plus connu de ma sélection. En fait, Persepolis est composé de 4 tomes (oui, oui, il n’y en a que 3 sur mes photos c’est normal 😁) et réalisé par Marjane Satrapi. Il s’agit de BD autobiographiques qui racontent la vie de Marjane de son enfance en Iran dans les années 1970 à sa vie de jeune adulte en Europe. On suit la jeune fille, déjà révolutionnaire, construire ses idées politiques dans un contexte extrêmement violent et dictatorial (massacres des iraniens manifestant contre le régime du roi, port du voile obligatoire pour toutes les petites filles…). J’ai beaucoup aimé découvrir la petite Marjane grandir malgré toutes les épreuves difficiles traversées par le pays et son entourage. Ce sont des ouvrages assez sombres, dans le fond comme dans la forme. Ils ont été adapté en film par l’actrice elle-même ainsi que par Vincent Paronnaud si cela vous intéresse plus ou autant que les BD 😉
Syrie
L’Odysée d’Hakim (tome 1) de Fabien Toulmé
L’Odyssée d’Hakim, de la Syrie à la Turquie est le premier tome d’une série de 3 bandes-dessinées réalisées par Fabien Toulmé (dont un seul est publié pour le moment). On y suit l’histoire d’Hakim, un jeune syrien conduit à fuir son pays suite à la guerre et qui va être contraint de partir au Liban, en Jordanie puis en Turquie (première partie de son périple que l’on suit dans ce premier tome). Son chemin est loin d’être rose, tout comme on peut l’imaginer. Ce livre m’a énormément touché. D’abord, parce que l’histoire d’Hakim est véritablement bouleversante et malheureusement loin d’être exceptionnelle. Aussi, j’aime beaucoup la façon qu’à l’auteur, Fabien Toulmé, de raconter son histoire, tirée d’un témoignage qu’il a pu recueillir lui-même. Dans le livre, on y voit l’auteur aller chez Hakim et sa famille pour l’interviewer et j’ai trouvé ces passages nécessaires car ils permettent des « bulles d’air » entre les situations racontées parfois très difficiles.
Ce livre est à mettre à mon avis dans bon nombre de mains, notamment celles de ceux qui pensent qu’il suffit de renvoyer les étrangers chez eux car « nous aussi on a des problèmes ». Certes, la France est traversée par de nombreux problèmes économiques, sociaux, politiques, écologiques… Mais ce livre nous permet de prendre de la distance, de se dire qu’il pourrait y avoir pire, surtout si on ne se bouge pas pour lutter contre ces problèmes justement ! Pour être honnête, je pense même qu’accueillir ces personnes en détresse et tenter de résoudre ces problèmes que l’on connait vont dans le même sens. Car même si la géopolitique est complexe, la France a sa part de responsabilité dans ce qui peut arriver à ces gens dans leur pays. Bref, c’est un problème complexe mais global et nécessitant de revoir nos institutions et nos systèmes.
L’arabe du futur (tome 1 à 4) de Riad Sattouf
Je pense que beaucoup d’entre-vous ont entendu parler de L’arabe du futur, une série de bandes dessinées réalisées par Riad Sattouf. Autobiographique, en 4 tomes pour le moment (2 autres sont prévus), celles-ci retracent l’histoire de l’auteur enfant puis adolescent ayant vécu en Syrie, pays originaire de son père. On y découvre le quotidien de sa famille à Ter Maaleh, le petit village de la famille paternelle, dont la plupart des habitants sont très pauvres et ne sont pas allés à l’école. La religion et les croyances y sont bien ancrées mais ce qui m’a le plus touché dans ce livre, ce sont les violences physiques et psychologiques omniprésente dans la vie et les relations des personnages. Les enfants ne sont bien évidemment pas épargnés, c’est même de la leur dont il est surtout question dans le livre, à travers les yeux de Riad enfant. J’ai eu beaucoup de mal à me détacher de celle-ci mais ce n’est pas pour autant que j’ai fermé ces livres car ils sont excessivement intéressants. Du côté de sa famille maternelle française tout n’est pas rose non plus et les personnages sont toujours présentés avec une certaine complexité. J’ai été très touché par le père de Riad malgré son évolution et son discours difficile à soutenir. Aussi, ce sont des livres très sensitifs, dans le sens où Riad Sattouf donne très souvent des détails sensoriels (odeurs, couleurs…), ce qui est très agréable et appréciable lors de la lecture. Je vous recommande à 1000% ces ouvrages, ainsi que l’ensemble des ouvrages (et films) de Riad Sattouf (oui je suis fan 😁).
La violence, présente dans tous les ouvrages présentés dans cet article, est peut-être ce qui participe à ma fascination pour les pays et cultures du Moyen-Orient. Je suis toujours surprise par la capacité des victimes (et autrices aussi !) de cette violence à prendre du recul, à tenter d’élaborer des théories sur ce qui leur arrivent et à s’approprier leur histoire pour ensuite la transformer. Si la résilience existe, alors c’est sans doute de ça dont il s’agit. J’admire les personnes qui, malgré la dictature dans leur pays, ne renonce pas à leur liberté de penser, car personne ne peut penser à la place de l’autre ni lui enlever ses pensées. Bien sûr, la manipulation peut permettre cela dans une certaine mesure, mais l’éducation et des relations saines par ailleurs peuvent rétablir cette liberté fondamentale et qui existe, à mon sens, de façon intrinsèque à l’individu humain.
Comme d’habitude, j’espère que cet article vous aura plu et vous aura permis de faire de belles découvertes. N’hésitez pas à me partager vos découvertes et vos lectures car je serais ravie d’en lire davantage sur ce thème et, pourquoi pas, en faire un second article.