J’ai écrit cet article il y a plusieurs mois, durant l’un de mes nombreux aller-retour en train, pendant et après la lecture du livre Moi les hommes, je les déteste de Pauline Harmange. Avec toute la charge mentale qu’a constitué mon déménagement dans une autre région, j’ai été particulièrement inspirée par son écrit et n’ai pas voulu perdre mes réflexions spontanées.
J’ai donc enfin pris le temps de recopier mes notes « brutes » ici pour vous partager mes ressentis, qui sont toujours d’actualité. Je vous retrouve à la fin de mon texte pour lequel je n’avais pas préparé de « conclusion ». Bonne lecture !


Dès l’achat du livre Moi les hommes, je les déteste de Pauline Harmange dont Monsieur n’avait pas entendu parlé, son titre a provoqué chez lui un questionnement et une discussion entre nous : réactions appelant à la nuance et non au not all men.
Nous sommes dans une société paradoxale où il ne faut à la fois pas tout dire (le politiquement correct !) mais où la nuance a peu d’espace pour se déployer, avec bien souvent des extrêmes en tout ou rien, en blanc ou en noir.
C’est pour cette raison que j’ai eu envie de lire le livre de Pauline Harmange. Parce qu’il m’a interpelé et que je la connaissais engagée à travers son blog. J’ai voulu me confronter au fait suivant : parfois, dire les choses telles qu’elles sont vécues, ressenties ou bien telles qu’elles sont, ce n’est pas faire part d’un manque de nuances. Le propos est peut-être radical mais c’est en fait la réalité des femmes qui l’est. Et celle des hommes aussi !
Mon (notre ?) rapport aux hommes
Personnellement, je peux même dire que j’ai peur des hommes. Peur de leurs réactions, d’être déçue, de me faire interpeller, agresser, moquer. Dans la rue, à une soirée, à la maison. J’ai peur de lancer certains sujets de conversation dans mon couple car je sais qu’ils ont été ou peuvent être polémiques. J’ai peur d’être déçue ou de ne pas pouvoir surmonter (et accepter) ce que Monsieur pensera de tel ou tel sujet. Que faire si je ne supporte pas sa réaction ?
Je me suis beaucoup reconnue dans ce que dit Pauline de son couple. Elle s’est déconstruite avec son cher et tendre (qui ne l’est sûrement pas toujours 😉) mais c’est toujours elle qui porte cette charge émotionnelle, cette éducation quotidienne au féminisme. Pour ma part, écouter un podcast féministe en cuisinant, sachant qu’il l’entend dans la pièce d’à côté, ce n’est forcément pas anodin. J’accepte (avec douleur parfois) sa lente déconstruction, son long chemin, en le laissant aller à son rythme (et en provoquant les occasions !) parce que je sais qu’il en est capable (et que cela a aussi été long pour moi). Mais cela signifie être victime du sexisme intériorisé (mes pensées et actions, celles de Monsieur et celles des personnes extérieures à notre couple) ET devoir le détricoter à la fois. D’où cette lourde charge qui pèse sur les épaules des femmes, même en cours de féminismation (n’ayons pas peur des néologismes).
Comme Pauline, j’aurais du mal à trouver aujourd’hui quelqu’un d’aussi réfléchi et ouvert d’esprit que mon amoureux, capable de déconstruire sa masculinité (même lentement). Mais je pense que cela ne doit pas empêcher les femmes de rêver à un meilleur rapport avec les hommes (et le « leur ») et d’exiger plus, encore et toujours. Même si on aime cette personne, même si on a peur de la blesser ou qu’elle nous blesse.
A ce propos, je vous invite à consulter – si vous ne la connaissez pas déjà – la page instagram t’as pensé à (taspensea). Les témoignages d’autres femmes sont précieux pour questionner ses propres limites, celles de son compagnon, de ses ami.es, lancer des débats en groupe mixtes ou non mixtes. N’ayons pas peur de nos pensées, aussi fortes soient-elles. Je ne sais pas si moi aussi « les hommes, je les déteste », par contre je sais que parfois « mon homme » je le déteste. Quand il ne comprends pas ce que c’est la charge mentale, qu’il laisse ses vêtements – sales – envahir l’appartement (et donc des espaces communs qui sont en parti miens), quand c’est systématiquement moi qui vient vers lui pour désamorcer un conflit parce que je ne le supporte pas (ou plutôt je ne supporte pas l’attente et la peur, pas forcément rationnelle, qu’il ne (re)vienne pas vers moi).
Éloge de la colère
Pauline évoque un autre aspect qui m’a beaucoup parlé : celui de la colère que l’on encourage pas chez les femmes voire, qu’on réprime, et de ses répercussions. Elle parle notamment de sa mère qui peut faire preuve de fermeté face à une situation de conflit mais va fondre en larmes et ne pas arriver à s’exprimer lorsqu’elle est en conflit avec son mari.
Je suis du genre qui pleure et qui peut pleurer beaucoup ! C’est mon moyen de décharger mes tensions internes et je laisse cela s’exprimer quand j’en ressens le besoin (au grand désespoir de mon amoureux). Mais, combien de fois n’ai-je pas réussi à me défendre face à une figure d’autorité (notamment des responsables hiérarchiques), n’ai-je pas été en colère plutôt que honteuse ou triste ? Je ne suis pratiquement jamais en colère. Non pas parce que je n’arrive pas à maîtriser mon émotion (bien que cela a pu être le cas) mais parce que celle-ci ne fait pas partie de mes réactions privilégiées. Je réagis autrement en me sentant démunie, impuissante, mais j’aimerais parfois que la colère puisse être présente (sans débordement c’est-à-dire sans agressivité).
Aussi, les rares fois où cette colère a pu s’exprimer (à la place des pleurs), elle m’a été plutôt salutaire. Je me souviens avoir un jour haussé le ton et m’être permise d’exprimer cette colère liée à ma charge mentale. Plutôt que d’être « compréhensive, à l’écoute » comme une bonne femme « devrait » le faire auprès de son homme, j’ai dit ce que j’avais à dire : ma colère, mon épuisement, et même si Monsieur n’était pas bien après, et bien moi je me suis sentie mieux. J’étais soulagée d’avoir dit les choses telles que je les ressentais, avec cette profonde colère. Je n’étais pas « simplement » triste de faire la majorité des tâches domestiques et administratives, puisque c’était une situation insupportable pour moi, j’étais en colère. Le dire avec cette colère (mais sans agressivité) a également eu une portée différente que lorsque je disais la même chose en pleurant.
La colère n’invite pas le réconfort. Quand je pleure, mon amoureux essaye de me réconforter et même s’il ne supporte pas que je pleure et essaye de changer cela, je me sens aussi moins vulnérable quand je suis en colère plutôt que triste. En l’occurrence, mon mal-être est durable et non lié à l’instant T où je vais me sentir triste et pleurer. Pauline résume cela de manière très percutante page 48 de son livre :
» J’ai découvert que, souvent, ce qui me faisait pleurer aurait dû me faire crier, et que lorsque je pleurais de tristesse face à une injustice dans un conflit, je me résignais à perdre, en quelque sorte. »
Pauline Harmange
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, les choses ont déjà évolué : j’ai changé de région et n’ai presque plus peur de me faire interpeller à l’extérieur (parce qu’il y a aussi moins d’emme*deurs qu’en Île-de-France) et après plusieurs discussions avec Monsieur, je ne crains plus d’évoquer certains sujets. Mais tout cela peut encore changer et je le sais. Rien n’est acquis pour toujours, ni pour moi (en terme de confiance en moi…), ni pour la société (cf. les discours de certain.es candidat.es aux élections présidentielles…). Je travaille sur mes pleurs et ma colère pour que cette dernière est plus de place.
Qu’avez-vous pensé de mon texte ? Avez-vous lu le livre de Pauline Harmange ? Qu’en avez-vous pensé ? Je suis intéressée par vos retours et vous invite à laisser un commentaire ci-dessous afin de pouvoir échanger sur ce sujet.
Et surtout, merci à Pauline 💛